Depuis le 23 juillet 2023 un nouveau cahier des charges encadre les Services Autonomie à Domicile (ancien SAAD, SSIAD et SPASAD). Peu avant sa parution, le 26 mai 2023, le CNCPH formulait un certains nombres de constats et particulièrement le fait que « la réforme qui fera fusionner à terme SAAD, SSIAD, SPASAD, n’a pas été pensée pour les personnes handicapées qui ont des besoins spécifiques en termes d’évaluation de leurs besoins et de réponses à y apporter ».
Cet écueil est notamment visible à travers les limites d’intervention imposées à ces services :
« Ces services interviennent au domicile ou lors des déplacements des personnes depuis leur domicile. Le domicile s’entend de tout lieu de résidence de la personne, à titre permanent ou temporaire, y compris une structure d’hébergement non médicalisée »
Si l’ancien cahier des charges des SAAD posait déjà cette limite de l’intervention « à domicile » ou « à partir du domicile » pour des problématiques de réduction fiscale, il se heurtait à la réalité d’une partie des services qui proposaient, et continue de proposer, de l’accompagnement à la vie sociale. Cette nouvelle formulation amplifie la crispation. Elle pourrait être interprétée comme :
- Un resserrement du lieu d’intervention : « le domicile » est limité au « lieu de résidence de la personne » et non aux différents lieux de vie et d‘activité de la personne
- Une réduction des activités qui peuvent être réalisées à l’extérieur : les activités sont limitées aux moment des « déplacements des personnes » et uniquement ceux « depuis leur domicile » n’incluant en plus l’ensemble des activités pour participer à la vie en société.
- Une impossibilité d’intervenir « dans » ou « depuis » un hébergement « médicalisé »
Si une telle lecture devait être faite, elle poserait des problèmes à de nombreux SAAD qui accompagnent des personnes en situation de handicap. Or, les SAAD interviennent sur des lieux très divers comme les loisirs, le milieu scolaire, le travail, lors de conseils municipaux, pour faire les courses, organisent des temps d’expression pour recueillir l’avis des personnes accompagnées dans leur service ou d’autres espaces, etc.
Ces services peuvent aussi intervenir depuis des lieux de « résidences » médicalisés comme un EAM, une MAS, un Ehpad ou un établissement hospitalier.
A titre d’exemple, plusieurs travaux de Handéo illustrent ces situations :
- La recherche participative sur les SAAD intervenant en dehors du domicile. Dans les exemples de monographies, il y a le lieu de culte, la piscine, une discothèque, un hôpital, les vacances, etc. Il ne s’agit pas uniquement d’intervenir dans les temps de déplacements, mais également sur le lieu pour de l’aide dans les actes de la vie quotidienne et du soutien à l’autonomie.
- La recherche participative sur les enfants et adolescents autistes dans laquelle des SAAD rencontrés interviennent au milieu scolaire ou pour l’accompagnement aux loisirs.
- La recherche participative sur les lésions cérébrales acquises dans laquelle des SAAD sont spécialisés sur la participation sociale et dont les temps d’intervention ne se limitent pas aux « déplacements ». Une des personnes rencontrées vivaient dans un EAM et bénéficiait de l’intervention d’un SAAD pour l’accompagner faire des courses ou voir des amis par exemple.
- La recherche participative sur l’exercice d’un mandat électoral montre plusieurs exemples de personnes qui ont besoin de l’aide d’un SAAD pour se déplacer, mais également sur le lieu de la réunion ou pour venir les chercher (l’intervention ne se faisant pas « depuis leur domicile »).
- La recherche participative sur le handicap psychique montre également l’importance d’avoir les mêmes possibilités de lieux d’intervention qu’un SESSAD, un SAVS ou un SAMSAH pour faciliter la complémentarité des interventions, le SAAD intervenant davantage en proximité dans des actes de la vie de tous les jours.
Ce décret risque de très fortement limiter le « soutien à l’autonomie », la « participation à la vie sociale » et les « frais supplémentaires liés à l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective » pour solliciter un SAAD au titre de la PCH aide humaine lorsqu’il s’agit d’intervenir sur d’autres lieux que le domicile. Au regard de la manière dont ce décret est rédigé, l’inquiétude est qu’un service prestataire se voit refuser l’autorisation d’intervenir, par exemple, en milieu scolaire, sur le lieu de travail, dans un conseil municipal ou pour les loisirs (ou qu’il ne s’en donne pas le droit).
L’exclusion des « résidences » médicalisées entre également en tension avec l’article D. 245-74 du CASF qui permet de l’aide humaine sur ces lieux. Cette formulation limitera le libre choix des personnes ne leur permettant plus d’avoir un service prestataire pour ces situations.